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Attention sujet glamour : C’est quoi une dépression ?

Publié le par Helix Bennington

Toile: "La dépression"

Toile: "La dépression"

Bon, alors déjà il nous faut distinguer deux types de dépressions. Il y a celle de ma copine Lili : « Non choupi, je ne vous rejoins pas au « Fuck me bar » ce soir, je suis en pleine dépression, je ne rentre plus dans mon jean slim taille 36 ». Et qui le lendemain me propose d’aller siroter un mojito en terrasse afin de m’exposer sa nouvelle petite jupe en tulle strassé rose pastel et surtout me décrire de façon ultra détaillée, sa dernière acquisition : un jeune mâle suédois au poil brillant et soyeux.   

Dans une autre catégorie concourent les personnes qui dépriment quelques semaines MAIS qui remontent la pente à la vitesse du coureur cycliste Lance Armstrong, les amphétamines en moins. C’est d’ailleurs ici que l’on réalise la révoltante inégalité entre humanoïdes face à la douleur psychique…Et oui ma p’tite dame ! Certains vont rebondir comme les petites balles pailletées en caoutchouc de notre enfance : « Il m’a quittée après 10 ans de vie commune du jour au lendemain pour une jeune mannequin de 10 ans de moins. Mais ça va mieux maintenant. C’est digéré : 15 jours se sont déjà écoulés tout de même »…Personnellement ce sont ceux que je déteste le plus. 

Et il y a LA Dépression. Tadaaaa ! La vraie, la grande, la star ! Celle qui à l’inverse de ces petits cons individus qui s’en remettent après seulement quelques semaines, nous propulse comme une grosse louche de purée Mousline sur le parquet. Une petite maladie jolie comme tout avec une interlocutrice toujours présente : une sexy lady plutôt svelte puisque uniquement en os cliquetants, enroulée dans une robe fourreau à large capuche noire, s’adonnant sensuellement au pole dance avec une grande faux. J’ai déjà vue ça quelque part…Celle qui permet de réaliser que lorsqu’on vous dit que « l’eau est le principal constituant du corps humain », ce ne sont pas des conneries. La surprise étant de constater que même après avoir sangloté 6 jours et demi sur 7, chaque semaine pendant 6 mois minimum, l’organisme n’est toujours pas déshydraté (la nature fait décidément merveilleusement bien les choses).

Sachez-le également mes enfants : l’un des plus grands bonheurs de dame Dépression est de vous faire peur. Diantre quelle petite malicieuse ! On commence à avoir la frousse des gens, du monde, de soi, de l’avenir. Les sorties se raréfient étant donné que l’unique fait de se représenter le temps nécessaire pour enfiler un pantalon (car le dépressif quand il ne travaille pas est vêtu constamment de ses vêtements de nuit, et généralement il ne s’agit pas d’une nuisette chantant « viens par ici toi » ou d’un slip en skaï torride mais bien plutôt d’un tee-shirt géant Snoopy) nous éreinte. Du coup comme on voit de moins en moins de gens, forcément débute une période où l’on n’entend plus beaucoup le son de sa propre voix. La libido s’est faite la malle avec l’espoir et ils vivent désormais ensemble en coloc’. C’est une période où l’on n’a envie de rien (même plus de chocolat !), ne ressent plus de plaisir dans aucune activité (même avec le choupinou vibromasseur Rabbit de la série « Sex and the City ». Et pourtant hein…Bon…Oui…Bref. Là n’est pas la question !). L’estime de soi peut être comparée à une colique de moustique (ou de puce). On baigne dans un magma incessant de pensées aux teintes chatoyantes oscillant entre le gris anthracite et le noir corbeau, s’occupant à répertorier, alors qu’on a la tête enfouie sous la couette un samedi trempé de soleil, les moyens classiques ou plus originaux de « mourir de son vivant ». Ca hurle à l’intérieur et pourtant on est vide. C'est ça faire une dépression. Ah ça rigole moins maintenant ! 

Quantité de traitements sont proposés dans la cure de ce bien mignon mal. Pour ma part, étant d’obédience freudienne (Ave Freud), j’optai tout d’abord pour une psychothérapie d’orientation analytique qui dura…(Je compte)…8 ans. Dont 2 ans à m’exprimer en espagnol à Buenos Aires : la cité abritant le taux le plus élevé en termes de concentration de psys au mètre carré de toute la galaxie! Puis les finances se faisant de plus en plus fluettes et étant surtout parvenue à un stade où je ne songeais plus qu’à la méthode concrète la plus efficace pour me désabonner de ma vie, je décidai de passer la seconde et de flirter pendant un temps avec…Tadaaaa ! : les antidépresseurs ! Enfin un sujet glamour, vous dites-vous!

On ne vous explique généralement pas clairement ce qu’est censé engendrer en vous comme mouvement neuf, la prise d’antidépresseurs. Il y en a tellement faut-il dire. Lequel choisir ? Cela, il en est l’affaire du médecin qui selon votre profil et votre degré de volonté de trépasser, vous prescrira telle ou telle molécule, dont les bras ici bas vous retiendront encore un peu. Dans la grande loterie du lobby pharmaceutique, j’étais tombée sur l’escitalopram. La dernière petite molécule à la mode en Argentine réputée pour agir dare-dare et légèrement. A la différence de la France assénant des traitements chimiques qu’un gros animal de foire seul pourrait supporter, l’Argentine médique à doses bambines. C’est ainsi que pour la première fois de mon existence, je me livrai à la science afin de me soulager du poids devenu insupportable de Madame la vie.

Qui n’a jamais goûté d’antidépresseurs ne connait point la souffrance psychique poussant un individu à sa prise, ni le soulagement que tel produit diffuse dans le corps et la psyché. Lorsqu’il est bien choisi et adapté, sans trop d’effets secondaires, la molécule offre une béquille permettant au Sujet de s’appuyer là où dans le réel, point de soutien moral ne lui a été accordé. Auparavant il demeurait sur place, paralysé par l’angoisse, les yeux grands et ronds, l’air inquiet, la pensée gelée, la poitrine dégotant avec peine l’oxygène vital, la mort omniprésente dans le cerveau et la peur siégeant en reine-mère sur le trône de sa matière grise.

Aujourd’hui le valétudinaire avance. Ses pupilles ne sont plus horrifiées par les images fuligineuses qu’elles reçoivent du monde. Il marche soutenu par sa drogue quotidienne. La détresse s’en serait presque envolée. La pensée coule de nouveau moins sombre, plus fluide. La faucheuse a été remerciée pour une durée indéterminée. Les poumons se gonflent comme dans les temps heureux. L’escitalopram crée en soi quelque chose de merveilleux et de jusque là inconnu pouvant être assimilé à de l’insensibilité face à la douleur morale. La souffrance ainsi amoindrie engendre des deuils qui nus de cette molécule, auraient plié le ventre et agenouillé l’esprit en attendant que pénitence se fasse. D’ailleurs les larmes ont cessé. Il est devenu physiquement presque impossible de pleurer (ou peut-être a-t-on finalement usé toute sa réserve lacrymale…Le mystère demeure). Le patient vierge d’antidépresseurs s’avance avec effroi vers un avenir qui lui semble ébène. Le convalescent prenant avec soin ses 10, 15, 20 mg d’escitalopram par jour s’avance vers un horizon qu’il s'imagine obscur mais avec moins de frayeur que de tristesse. Il pense que le lointain ne promet que choses grises mais il l’accepte mieux. La terreur devient appréhension. 

Il est à bénir toutes les drogues offrant à l’âme douceur et bercement, apaisement et chaleur. Toutefois idéalement, la chimie doit être accompagnée d'une thérapie verbale comme la psychothérapie et pour compléter ce cercle vertueux, d'un soin prenant en compte le corps (massages, reiki, yoga, méditation, relaxation, taï-chi, etc). Enfin accepter qu'on est triste, qu'on passe un cap délicat, qu'on s'effondre. Accepter qu'en ce moment même on est vide. Oui, voilà, ça arrive. On est pas Wonderwoman (qui d'ailleurs n'existe pas, devons-nous le rappeler?). On fait ce qu'on peut. Ainsi seulement peut-on recommencer à se remplir de quelques petites joliesses extérieures. L'humeur n'est jamais figée, jamais linéaire. Accepter ses courbes sinusoïdales, c'est accepter que l'on peut se retrouver sans force, mais reconnaître sa capacité à remonter à la surface. Les thérapies (chimiques, psychologiques, corporelles, etc) sont là pour nous aider à taper du pied au fond de la piscine mais également et surtout: à NAGER. Tout le monde peut remonter. Cependant il ne s'agit pas d'entreprendre l'ascension brutalement pour replonger la minute qui suit. La vie étant en mouvance constante, les gens, l'humeur, les ondes, les sentiments, peut-être pouvons nous penser que pour survivre et ne pas s'épuiser à faire ces allers-retours avec le fond de la piscine, il faut apprendre à nager. A surfer avec les éléments, jouer avec les vagues plutôt que de les subir. garder le corps souple afin d'être capable de s'adapter aux diverses situations/fluctuations que nous allons rencontrer. Apprendre à nager c'est aussi être capable de faire la planche, de faire de l'eau son alliée et de s'étaler sur le dos en elle, sur elle, pour pouvoir se reposer lorsqu'on se sent happé par le fond. 

La dépression, c'est comme un gros, gros bug synaptique accompagné d'un gros, gros bug dans le corps qui exprime lui aussi sa souffrance. Si on l'entend, si on l'accepte et si on accueille l'aide d'un tiers (une thérapie, l'eau, la parole, le psychologue...) en étant indulgent à notre égard et notre propre allié, alors on saura comme dans la série "Bref" de Kyan Khojandi réparer l'ascenceur qui gravira de nouveau les étages nous séparant de la pulsion de vie. 

Helix Bennington

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